Moi qui n’ai connu
toute ma vie
Que le ciel du nord
J’aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
Que le ciel du nord
J’aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil
Charles Aznavour
Il a raison.
La misère est effectivement
moins pénible au soleil. Elle existe quand même; elle est là, mais elle se vit
autrement. Depuis bientôt un mois que nous sommes ici, nous voyons les gens
flâner dans la rue, un peu désoeuvrés, en quête des quelques sous qui feront de
leur journée un succès, la rendront certainement moins misérable. Au-delà du
fait qu’ils vivent sur une des plages les plus extraordinaires du monde, s’entend.
D’où le moins pénible d’Aznavour. Ici, le filet social est plein de trous. Ici,
le salaire minimum à compter de juillet 2012 devrait s’établir autour de 1,30$/heure.
Augmentation de 27% par rapport à l’an dernier.
Ici, les gens ne
roulent pas sur l’or. Loin de là. Évidemment
il y a les riches, plus riches que tous les autres et il y a les pauvres, la
fibre sociale, ce tissu qui forme la base et l’âme de la société. Car la classe
moyenne, moyenne aisée, a du mal à s’établir, elle n’existe pas encore. Il y a un
gouffre entre les classes sociales. Donc, nous, les touristes, nous sommes les riches.
Par contre, grâce au soleil en partie, les pauvres, qui sont nos hôtes, sont
gracieux, respectueux et rayonnant de cette plénitude qui est acquise au
contact d’une nature généreuse, magnifique et … oui, j’ose le dire, un peu
mystique. Le roulement incessant des vagues a de quoi rendre la plus
récalcitrantes des natures un peu zen.
Dans ce contexte, un
genre de modus operandi social s’est
installé pour s’assurer que personne ne meure de faim. Les denrées
essentielles, la bouffe de base, les nécessités de la vie, ne coûtent rien. Quelques
sous par jour pour se nourrir. Par contre, tout ce qui constitue un « luxe »
(papier de toilette, crème pour la peau, électro-ménagers…) coûte plus cher (l’équivalent
ou un peu moins d’au Canada).
Marché à Banana Point, entre Agadir et Taghazout. |
Et puis il y a la zakat, l’aumône, un des cinq piliers de
l’Islam. Tout le monde donne à tout le monde, tout le temps. Souvent, c’est
ceux qui ont le moins qui donnent le plus. C’est naturel, c’est organique. Les
frères, les sœurs, parents de tous genres, s’aident, travaillent les uns pour
les autres. Ils veillent les uns sur les autres, d’une façon que nous avons
oubliée dans notre société hautement individualiste du nord de l’Amérique. Nous,
piteux et un peu honteux, donnons notre petite monnaie tant que nous en avons.
Au restaurant, une
jeune femme a fini de manger. Elle n’a pas terminé son sandwich. Elle se lève
et va l’offrir à l’homme installé dans la rue (très discret) à 5 mètres du
resto. Il n’y a pas de gêne, ni d’une part, ni de l’autre; c’est naturel. Ailleurs,
dans un petit village, entre deux destinations touristiques, nous avons terminé
notre repas de sandwichs brochettes avec frites et salade. Nous n’avons pas
tout terminé, mais un homme, une fois assuré que nous avions bien fini de
manger et que nous partions, vient s’installer à notre table et terminer ce qui
aurait été gaspillé. Le garçon continue même de lui apporter de l’eau! … et
pourquoi pas? Hein, pourquoi pas?? Autre façon de faire, de penser, de ne pas
gaspiller… si on pouvait faire pareil chez nous…
Musiciens de rue, qui jouent pour quelques dirhams. |
DES PRIX
Rappelons que le
salaire minimum est d’environ 1,30$ / heure.
Au Maroc 10 dirhams
valent environ 1.15$. Donc 100 dirhams = approx 11,50$. Et bien sûr, 1000
environ 115$. Si vous voulez calculer autrement, divisez par 8 (approx).
--Repas au restaurant
pour 2 (sans alcool) : 100 dirhams dans un resto pour souper (11,5
dollars). Pour le lunch : une salade marocaine, 2 panini aux merguez avec
frites et salade + un café espresso = 58 dirhams 6,5$).
-- Bouteille de vin 38
dirhams (4,5$). L’alcool du pays, genre
d’eau de vie de figue à mi-chemin entre le pernod et l’absynthe, pour 375 ml
environ 35 dirhams.
-- Baguette 2 dirhams (27
cents)
-- Sac de noix (fraîches,
produites localement) 10 dirhams (1,2 $).
-- Viande, ½ kilo 35
dirham (un poulet au complet, même prix)
-- Taxi pour Agadir (20
km) 24 dirhams (3$). Retour par contre, 70 dirhams
-- Café 35 dirhams le 225
grammes (de qualité ordinaire).
-- Transport par bus de
Marrakech à Agadir (250 km) 200 dirhams pour 2 (25 dollars)
-- Un oignon, une botte
persil, 2 petites aubergines, 2 gousses d’ail, 3 petits sachets d’huile et 2
tomates, 10 dirhams (1,2$)
-- Un appartement à
Agadir, 1 chambre, grand et petit salon, salle à manger et minuscule cuisine,
399,000 dirhams (tout neuf tout beau, pas trop trop loin de la plage) (environ
cinquante mille dollars).
-- Une bouteille d’eau de
5 litres 9 dirhams.
-- Le papier de toilette
super extra de qualité 6 rouleaux qui supposément en valent le double (pas
comparable à nos rouleaux douillets dont le tube intérieur ne FAIT PAS la
moitié du rouleau) 45 dirhams.
-- Des sandales de cuir
(marocain of course) pour homme 120 dirhams.
-- Petites chaussures de
cuirs, mignonnes comme tout, rouge et je les adore, 58 dirhams
Oui, il faut
machander des fois, mais une fois qu’on connaît la valeur des choses – et ça
ne prend pas de temps – c’est facile. Et des fois, on n’a pas envie de
marchander; on veut juste leur donner le prix qu’ils demandent parce que,
comparé à chez nous, c’est déjà un bon prix. Et donc des fois on paie
directement. Ils sont étonnés, mais bon.
D’autres fois, ils
demandent des prix totalement extravagants, surtout pour les bijoux. Ils s’essaient.
On s’asseoit, on boit un thé on discute. On fait baisser. On finira sans doute
par payer un peu trop (pas beaucoup), mais on aura vécu un moment de grâce, de
contact humain, de connexion, de relation directe avec une personne qui tente d’améliorer
son sort et celui de ses proches, et comment lui en vouloir? Et comment ne pas
vouloir l’aider à atteindre son but? Pour si peu cher?
Souk de Marrakech. |
Et les vagues
continuent de nous bercer, encore une semaine. Un groupe de 7 danois vient d’aménager
dans l’appartement et ils nous accompagneront durant notre dernière semaine.
La prochaine fois, on
vous racontera le Sahara. C’était tellement indescriptible, que ça aura pris tout
ce temps pour trouver les mots.
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