Thursday, February 9, 2012

Aparté No. 1: Emmenez-moi au bout de la terre...

Moi qui n’ai connu toute ma vie
Que le ciel du nord
J’aimerais débarbouiller ce gris
En virant de bord

Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil

Charles Aznavour

Il a raison.

La misère est effectivement moins pénible au soleil. Elle existe quand même; elle est là, mais elle se vit autrement. Depuis bientôt un mois que nous sommes ici, nous voyons les gens flâner dans la rue, un peu désoeuvrés, en quête des quelques sous qui feront de leur journée un succès, la rendront certainement moins misérable. Au-delà du fait qu’ils vivent sur une des plages les plus extraordinaires du monde, s’entend. D’où le moins pénible d’Aznavour. Ici, le filet social est plein de trous. Ici, le salaire minimum à compter de juillet 2012 devrait s’établir autour de 1,30$/heure. Augmentation de 27% par rapport à l’an dernier. 

Ici, les gens ne roulent pas sur l’or. Loin de là.  Évidemment il y a les riches, plus riches que tous les autres et il y a les pauvres, la fibre sociale, ce tissu qui forme la base et l’âme de la société. Car la classe moyenne, moyenne aisée, a du mal à s’établir, elle n’existe pas encore. Il y a un gouffre entre les classes sociales. Donc, nous, les touristes, nous sommes les riches. Par contre, grâce au soleil en partie, les pauvres, qui sont nos hôtes, sont gracieux, respectueux et rayonnant de cette plénitude qui est acquise au contact d’une nature généreuse, magnifique et … oui, j’ose le dire, un peu mystique. Le roulement incessant des vagues a de quoi rendre la plus récalcitrantes des natures un peu zen.

Dans ce contexte, un genre de modus operandi social s’est installé pour s’assurer que personne ne meure de faim. Les denrées essentielles, la bouffe de base, les nécessités de la vie, ne coûtent rien. Quelques sous par jour pour se nourrir. Par contre, tout ce qui constitue un « luxe » (papier de toilette, crème pour la peau, électro-ménagers…) coûte plus cher (l’équivalent ou un peu moins d’au Canada). 
Marché à Banana Point, entre Agadir et Taghazout.


Et puis il y a la zakat, l’aumône, un des cinq piliers de l’Islam. Tout le monde donne à tout le monde, tout le temps. Souvent, c’est ceux qui ont le moins qui donnent le plus. C’est naturel, c’est organique. Les frères, les sœurs, parents de tous genres, s’aident, travaillent les uns pour les autres. Ils veillent les uns sur les autres, d’une façon que nous avons oubliée dans notre société hautement individualiste du nord de l’Amérique. Nous, piteux et un peu honteux, donnons notre petite monnaie tant que nous en avons.

Au restaurant, une jeune femme a fini de manger. Elle n’a pas terminé son sandwich. Elle se lève et va l’offrir à l’homme installé dans la rue (très discret) à 5 mètres du resto. Il n’y a pas de gêne, ni d’une part, ni de l’autre; c’est naturel. Ailleurs, dans un petit village, entre deux destinations touristiques, nous avons terminé notre repas de sandwichs brochettes avec frites et salade. Nous n’avons pas tout terminé, mais un homme, une fois assuré que nous avions bien fini de manger et que nous partions, vient s’installer à notre table et terminer ce qui aurait été gaspillé. Le garçon continue même de lui apporter de l’eau! … et pourquoi pas? Hein, pourquoi pas?? Autre façon de faire, de penser, de ne pas gaspiller… si on pouvait faire pareil chez nous…
Musiciens de rue, qui jouent pour quelques dirhams.

DES PRIX

Rappelons que le salaire minimum est d’environ 1,30$ / heure.
Au Maroc 10 dirhams valent environ 1.15$. Donc 100 dirhams = approx 11,50$. Et bien sûr, 1000 environ 115$. Si vous voulez calculer autrement, divisez par 8 (approx). 

 --Repas au restaurant pour 2 (sans alcool) : 100 dirhams dans un resto pour souper (11,5 dollars). Pour le lunch : une salade marocaine, 2 panini aux merguez avec frites et salade + un café espresso = 58 dirhams 6,5$).
-- Bouteille de vin 38 dirhams (4,5$).  L’alcool du pays, genre d’eau de vie de figue à mi-chemin entre le pernod et l’absynthe, pour 375 ml environ 35 dirhams.
-- Baguette 2 dirhams (27 cents)
-- Sac de noix (fraîches, produites localement) 10 dirhams (1,2 $).
-- Viande, ½ kilo 35 dirham (un poulet au complet, même prix)
-- Taxi pour Agadir (20 km) 24 dirhams (3$). Retour par contre, 70 dirhams
-- Café 35 dirhams le 225 grammes (de qualité ordinaire).
-- Transport par bus de Marrakech à Agadir (250 km) 200 dirhams pour 2 (25 dollars)
-- Un oignon, une botte persil, 2 petites aubergines, 2 gousses d’ail, 3 petits sachets d’huile et 2 tomates, 10 dirhams (1,2$)
-- Un appartement à Agadir, 1 chambre, grand et petit salon, salle à manger et minuscule cuisine, 399,000 dirhams (tout neuf tout beau, pas trop trop loin de la plage) (environ cinquante mille dollars).
-- Une bouteille d’eau de 5 litres 9 dirhams.
-- Le papier de toilette super extra de qualité 6 rouleaux qui supposément en valent le double (pas comparable à nos rouleaux douillets dont le tube intérieur ne FAIT PAS la moitié du rouleau) 45 dirhams.
-- Des sandales de cuir (marocain of course) pour homme 120 dirhams.
-- Petites chaussures de cuirs, mignonnes comme tout, rouge et je les adore, 58 dirhams

Oui, il faut machander des fois, mais une fois qu’on connaît la valeur des choses – et ça ne prend pas de temps – c’est facile. Et des fois, on n’a pas envie de marchander; on veut juste leur donner le prix qu’ils demandent parce que, comparé à chez nous, c’est déjà un bon prix. Et donc des fois on paie directement. Ils sont étonnés, mais bon.

D’autres fois, ils demandent des prix totalement extravagants, surtout pour les bijoux. Ils s’essaient. On s’asseoit, on boit un thé on discute. On fait baisser. On finira sans doute par payer un peu trop (pas beaucoup), mais on aura vécu un moment de grâce, de contact humain, de connexion, de relation directe avec une personne qui tente d’améliorer son sort et celui de ses proches, et comment lui en vouloir? Et comment ne pas vouloir l’aider à atteindre son but? Pour si peu cher?

Souk de Marrakech.


Et les vagues continuent de nous bercer, encore une semaine. Un groupe de 7 danois vient d’aménager dans l’appartement et ils nous accompagneront durant notre dernière semaine.

La prochaine fois, on vous racontera le Sahara. C’était tellement indescriptible, que ça aura pris tout ce temps pour trouver les mots.

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