Saturday, February 11, 2012

Le désert: deux versions


ELLE :
Donc le désert... une expérience caractérisée par le peu de mots qui se sont formulés durant notre séjour là, et depuis pour en discuter. "Hein, le désert..." nous sommes-nous dit, à maintes reprises, le regard brillant, l'âme pleine et le coeur pincé d'une nostalgie passagère. Oui, le désert...

LUI :
C'est le silence qui se remarque avant tout. On s'éloigne de l'auberge, des voitures, de la civilisation. Au creux du silence, le bruissement des pattes de dromadaires dans le sable. Le frôlement de nos vêtements, les grognements occasionnels des animaux.
C'est la couleur, aussi. Les dunes roses dans le soleil couchant, un rose tellement chaud qu'on a peine à croire qu'il n'a pas été peint par un artiste fiévreux.

Départ de la caravane.


ELLE :
On y a été précipités, propulsés à dos de dromadaire, la tête enturbannée et les yeux écarquillés. Nous avons doucement apprivoisé le rythme balançant de la bête sous nos fesses, réglant notre corps à son tanguage, son langage, puis nous avons regardé l'ombre que nous projetions s'étirer sous le soleil couchant. Les derniers bruits de la civilisation se sont éteints et c'est dans un silence à peine  interrompu pas quelques phrases, prononcées tout bas comme dans une église, que nous avons, à la queue leu leu, une heure et demie durant, été bercés par la marche des dromadaires et les vastes étendues de dunes rosées-rousses qui se dévoilaient devant nous.

LUI :
C’est le silence à l’intérieur aussi. Regarder le soleil qui descend vers les dunes, voir leur couleur changer de seconde en seconde, voir la lune se lever, sa lumière prendre doucement la place du soleil après un fulgurant coucher qui allonge les ombres: expérience mystique. Le temps s'arrête, il n'y a plus que ce sable qui tangue, les étoiles qui s'allument lentement, et le coeur qui bat. On a l'impression d'être en chemin depuis 4 heures, mais seulement 90 minutes se sont écoulées. On aperçoit le campement, au loin, dans le creux d'une immense dune de plus de 100 mètres de haut.

ELLE :
Les dunes; si féminines de leurs formes généreuses, de leurs courbes sensuelles, de leur imposante présence qui nous rappelle les dangers et les trésors qu'elles recèlent. Ces dunes, issues de la nuit des temps de mon imaginaire; ce désert qui appelle depuis toujours mes pieds pour qu'ils y laissent leur trace éphémère.

La nuit vient de tomber et "les étoiles dans le ciel, brillent brillent qu'elles sont belles. Une à une elles s'allument, pour bien éclairer la lune..." Une comptine qui resurgit en trame sonore d'un rêve d'enfance réalisé. La lune n'est pas pleine, mais le sera dans quelques jours. Elle jette une lumière comme je n'en ai jamais vue.

LUI :
La lune guide nos pas vers l'entrée d'un enclos. Le chef de la caravane aboie des ordres et les dromadaires, à contre-coeur, se couchent pour nous laisser descendre. Les pattes d'en avant d'abord, on s'agrippe au pommeau de la selle pour ne pas tomber. Ensuite les pattes arrières. On nous amène dans une tente ou des dizaines de coussins entourent trois tables basses. On s'asseoit, et ils nous apportent l'éternel thé à la menthe, qui serait exquis s'il n'était pas toujours si terriblement sucré. Mais on finit par s'habituer, et celui-là était particulièrement bon. On nous indique ensuite notre tente, et on y laisse nos petits sacs, avant de retourner dans la tente-salle-à-manger. Tagine exquise, qu'on mange plus avec des bouts de pain que des ustensiles. On y rencontre Tomako, jeune japonaise de 36 ans qui voyage seule, qui sourit toujours et qui est super attachante. Elle travaille dans un bureau près de Kobe; elle a pris la résolution de visiter un pays de chaque continent. Pour le continent africain, elle a choisi le Maroc. 

ELLE :
Après notre souper (tajine! ... comme je t'aime!) nous sortons explorer ce ciel infini. Derrière notre campement nous croyons discerner dans le ciel... quoi... la voie lactée? …  une aurore boréale? Non….

LUI :
Après le souper, on sort dehors, autour du feu, pour le café. Il fait complètement nuit, la lune est au zénith, les étoiles sont si brillantes qu'on aperçoit sans difficulté la voie lactée. Et devant nous, la grande dune. Je vous jure que la crête scintille, phosphorescente, comme une lumière magique. Pour moi, ce sera l'image la plus fabuleuse de ce voyage dans le désert. Nos hôtes, trois jeunes berbères, apportent des tambours et des cymbales-à-main et nous interprètent quelques pièces traditionnelles. C’est chaleureux.

ELLE :
La poésie du moment nous subjugue encore et encore; autour du feu où des représentants du monde (Japon, Allemagne, Canada, Maroc, Belgique) discutent avec un bonheur évident, mais discret, du désert et de ses charmes, alors que la joyeuse bande de Berbères fait chauffer ses percussions puis crée une nouvelle trame sonore pour un rêve devenu adulte. Tout est intense, magique et, oui, mystique.

Chacun, à un moment donné, s'isole. Le Sahara nous appelle, individuellement, pour une communion naturelle. Les Berbères continuent leur musique et sourient; il savent, ils connaissent, ils comprennent. Les émotions de la journée nous rattrapent; c'est le temps de nous coucher car le lever du soleil sur les dunes est à ne pas manquer et un de nos accompagnateurs - le chanteur du groupe - nous réveillera en tapant des mains, à 6h30. Comme un magicien qui nous sortira d'une transe.

LUI :
Nous nous retirons. Dans notre tente, un matelas recouvert d’une couverture de laine, deux draps par-dessus, trois autres couvertures d’une laine dense et chaude. On se couche, le corps est rapidement au chaud, mais le visage congèle. J’ai l’impression d’être de retour à Edmonton et de coucher dehors en plein hiver par moins quinze. J’ai rarement eu aussi froid au visage. Heureusement, on porte encore nos keffiés, et on se recouvre tout le visage pour finalement s’endormir.

ELLE :
Il fait froid la nuit dans le désert. Dac. On le sait. On l'a tous lu ou entendu quelque part. Intellectuellement on se dit, "Ouais, c'est à cause de l'écart entre les températures de jour et de nuit..."
Mais croyez-moi: il fait FROID la nuit dans le désert... surtout en janvier! Couvertures par-dessus couvertures, 2 corps, tout habillés, se blotissent et doivent quand même se couvrir le visage de leur foulard du désert pour ne pas geler. Plus tôt, on voyait distinctement notre haleine accompagner nos émerveillements. Dormirons-nous? En fait, oui. Étonnamment. De façon un peu décousue et surréelle, mais oui. Et bien, en fait.
Avant même que notre ami berbère ne vienne applaudir notre réveil; nous sommes debout, aux premiers balbutiements de l'aube qui dessine les dunes. Nous explorons.

LUI :
Debout à 6 heures, avant les autres, c’est encore nuit noire. La lune est couchée, et les étoiles en profitent pour redoubler de scintillement.  On sait que le soleil se lève vers 7h, et on cherche le meilleur endroit pour le spectacle. Ambitieux, on décide de grimper la grande dune par la crête. Plus facile à dire qu’à faire. À chaque deux pas on recule d’un. Et ça grimpe! Je ne peux pas faire plus de 30 pas à la fois, souffler un peu, et reprendre l’ascension. Mohammed arrive derrière nous, nous dépasse et va s’installer au sommet. Un jeune couple d’Européens fait pareil. À plus des trois quarts, on se rend compte qu’on ne se rendra pas avant le lever du soleil.

ELLE :
Nous délimitons notre propre bout de dune d'où nous verrons le soleil, dans toute sa splendeur, nous illuminer de ses rayons chauds, là où il sait briller avec la plus grande majesté. Car c'est là, dans le désert, où le soleil prend tout son sens, imbu de lui-même et des grâces qu'il épand sur les dunes qui l'absorbent, le reflètent et l'aiment d'un amour fou, comme il se doit. C'est ça le désert. Une communion ciel terre.

LUI :
On s’installe les fesses confortablement, on prépare les appareils photos et on se recueille. Le spectacle est hallucinant. Les dunes prennent une teinte orange-feu, le paysage s’allume, c’est la première aurore du monde. .
Le mariage du ciel et de la terre.

Baigner dans la première lumière du monde.

Sans commentaire.

ELLE :
Moment de grâce. Puis, l'applaudisseur en chef, chanteur, percussionniste et sympathique cuisinier nous appelle pour le déjeuner. Dévaler une haute dune, à toute allure et dans la joie, juste après le lever du soleil est une expérience indescriptible.

LUI :
Peu de temps après, c’est le déjeuner, puis la longue randonnée de retour vers la fin du désert. Une soirée, une nuit et un matin, mais une éternité gravée au fond du cœur.

ELLE :
Les ombres rétrécissent, au lieu de s'allonger alors que nous effectuons le retour à la civilisation avec les dromadaires que nous considérons maintenant comme NOS dromadaires, nos amis intime à qui nous chuchotons des mots doux, ces mots si difficile à trouver à ce moment-là, et depuis.

Retour pour le petit déjeuner.
Elle danse dans le sable.
Un rêve réalisé.
Dernier regard sur notre bivouac.






1 comment:

  1. Ahhh ça me rappelle tellement mon voyage en novembre dernier!! Comme vous avez bien décrit vos sentiments!

    Je me souviens de .... Dévaler une haute dune, à toute allure et dans la joie, juste après le lever du soleil , et en effet, c'est une expérience indescriptible!!!

    Je ne me souviens plus si je vous en avais parlé mais je suis partie au Maroc avec mon frère et ma soeur, tous les 3. Nous avons célébré nos 50ans ensemble, et notre destination : Les dunes et palmeraies de l'oued Drâa.
    On est donc parti avec l'organisme français, Terre d'Aventures pendant 10 jours. On a marché à travers les dunes du Sahara pendant 8 jours et le soir, on plantait la tente et admirait les belles étoiles que le ciel a à nous offrir! C'était super! Un très beau dépaysement!

    Voilà le lien avec mes photos si ça vous intéresse :
    https://picasaweb.google.com/118205745607136589033/Maroc2011_Sylviane?authkey=Gv1sRgCNDxk9fbmoLqBA

    Je tiens vraiment à retourner au Maroc, cette fois-ci avec Daryl...!
    Bonne continuation à tous les 2!

    Sylviane

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