Monday, February 27, 2012

Entre le purgatoire et l'enfer


Nous avons réussi à quitter le Maroc sans nous abimer dans l'indignation, mais tout juste. Nous avons attendu les 7 heures dans le purgatoire des mal-aimés du transport aérien; nous des bons, des blancs des occidentaux de bonne famille, mais bon. Nous avons ravalé, accepté, fait notre croix dessus comme on dit puis pris l'avion de la compagnie Etihad que notre copain Junaid nous avait fortement recommandée.

Puis nous sommes embarqués dans ce vol qui menait- départ 20h et arrivée 7h30, heures locales - à Abu Dhabi: 6h30 de vol, 4 heures de décalage horaire + délai de décollage.

Puis là, c'est le bonheur. Configuration de cabine comme les L-1011 de l'époque, deux sièges à nous et un service impeccable. Comme durant les belles années d'Air Canada il y a 30 ans. Petit kit avec des bouchons pour les oreilles, des chaussettes, un machin pour les yeux pour bloquer la lumière et une brosse à dent. De grands écrans pour regarder des films, un MENU pour choisir ses plats, avec vin (ou autre) gratuit, de l'espace, un oreiller, une belle couverture...

Tout le confort d'une première classe en classe économique.
Ça sent le neuf!


Etihad est une nouvelle ligne aérienne stylée et confortable, lancée en 2003 et basée a Abu Dhabi. Depuis 3 ans la compagnie décroche la palme d'or des "olympiques" du transport aérien. Parce qu'il faut le dire, Abu Dhabi (aux Émirats Arabes Unis) est une ville riche; en fait, selon les revues Forbes et Fortune, c'est la ville la plus riche au monde. Et ça paraît.

Pas seulement pendant ce vol luxueux - qui nous rappelait et même surpassait certaines classes affaires que nous avons pu voir ailleurs - mais aussi, et surtout, à l'arrivée à l'aéroport.

L'aéroport d'Abu Dhabi est comme une grande plaza opulente, où tout le monde circule sur un nuage de luxe. Tout est propre, propre, propre. Il nous semblait qu'il y avait plus de monde en train de faire le ménage, constamment, cycliquement, que de voyageurs. La salle de bain était équipée d'une salle des prières, d'une zone pour enfant, d'une salle pour bébé, de toilettes (avec chaque cubicule muni de l'équivalent d'un bidet "à main", c'est à dire un genre de boyau d'arrosage avec pommeau de douche pour une hygiène personnelle intime nec plus ultra, et très répandue dans le monde arabe comme nous avons pu le constater par la suite) et en train d'être nettoyée en permanence par de jeunes asiatiques...


L'aéroport d'Abu Dahbi, comme dirait Beaudelaire: Calme, Luxe et Volupté.


D'ailleurs, c'est là une des particularités d'Abu Dhabi, mise en évidence par le profil des travailleurs de l'aéroport: c'est une ville - capitale d'un des 7 émirats (le plus gros) - où la population locale ne travaille pas. Pourquoi? Parce qu'elle est riche. Toute la main-d'oeuvre (à 99% -  oui, oui, c'est un chiffre réel, pas une exagération) du pays est étrangère. Les "locaux" ne travaillent pas. Ils sont issus des tribus du pays qui contrôlent la richesse et le gouvernement. La totalité des services à la population est assurée par des étrangers.

Et ils n'auront jamais droit à la citoyenneté.

Monde à l'envers.

Et très à l'envers, car ce qu'on constate aussi, c'est l'allure des femmes. Ces femmes voilées (comme le chantait quelqu'une) sont riches et ont l'arrogance des riches. Elles ont le regard hautain (ce qu'on en voit) le pas assuré, les amples robes noires de tissus fins et soyeux, les sacs d'achats nombreux aux bras dont les mains sont élégamment bijoutées. Mais par dessus tout, c'est cette assurance qui est déconcertante. Pas la petite mine de femme soumise à laquelle on s'attend - en bons occidentaux - pas de regard furtif ou d'yeux baissés. Non. Ces femmes-là sont sûres d'elles-mêmes et possèdent leur monde. Et cela se voit; malgré le fait qu'on voit si peu de leur physionomie, ça se sent. Comme quoi il y a des choses universelles en ce qui concerne le pouvoir de l'argent. On peut se demander: sont-elles en fait libres ou prisonnières? La question se pose, et le fait même qu'elle se pose nous désarçonne.

Dans cet aéroport 5 étoiles, on se repose en toute sécurité au creux de chaises longues aménagées pour le sommeil des voyageurs en transit, comme nous, sous le regard bienveillant des philippino-aisiatiquo-africano-indiens qui font sans relâche le ménage pour nous.

Boutiques chic au sous-sol.
C'est François, à gauche, qui roupille.

Après un roupillon réparateur on embarque dans le dernier avion de notre transit vers Amman, en Jordanie. Nous sommes calmes, réconciliés avec bien des choses, inconscients encore du fait que la journée qui s'était amorcée à 5h du matin la veille se terminera tard dans la nuit de ce qu'on pourrait appeler l'épisode infernal de notre voyage jusqu'ici.

No comments:

Post a Comment