Après Izmir, retour à nos
confortables babouches d’Istanbul. Ayant déjà fait le circuit touristique
traditionnel (Hagia Sofia, Mosquée Bleue, etc.), on se laisse maintenant porter
par le rythme de la ville. Au gré de nos promenades, d’un tram à l’autre, on
découvre les coins sympathiques, les dédales de ruelles, les marchés d’épices… Près
de l’hôtel, on gesticule pour se faire comprendre de notre gentille lavandière qui
nous remet au propre – un luxe quand on est toujours en mouvement – et on salue les marchands du coin, toujours
prêts à nous offrir un thé et, qui sait, réussir à nous vendre une petite
céramique ou un foulard. On se fraie un chemin dans l’incroyable foule qui
envahit la foire du port pour effectuer une paresseuse croisière sur le Bosphore,
on dîne sur une terrasse au troisième étage d’un resto sur le bord de l’eau,
alors que le soleil cherche une chaleur qui n’arrive pas encore à s’épanouir.
Foule sous le pont d'Istanbul |
Les graffitis, c'est universel. On en voit partout. |
Istanbul, ville sans fin. |
Dans les restos près de notre
hôtel, les beaux garçons dont le travail est d’attirer les touristes à leur
restaurant les interpellent dans une
foule de langues. Hassim, 23 ans, avec qui on discute sur la terrasse presque
déserte du restaurant, nous explique qu’il sait à l’apparence et au costume des
gens quelle langue il doit utiliser. Et il se trompe rarement…Il prenait Eve
Marie pour une Française et François, bien sûr, pour un Américain. Après
quelques verres de vin local, on rentre à l’Hotellino. Notre dernière nuit.
Leitmotiv de notre voyage: on
quitte Istanbul à regret. Beaucoup de regret. L'Hôtellino et Minet, nos
marchands du coin. Les olives offertes en début de repas, notre lavandière
et... fumer.... nous manqueront beaucoup. Même la neige, qui tombait à gros
flocons sur les toits anciens.
Minet, proprio de l'Hotellino. Une femme vraiment lumineuse. |
C'est au terme d'un interminable
trajet de bus, qui nous fait découvrir la véritable étendue de cette ville et
nous amène sur le côté asiatique de la métropole turque, que nous prenons
l'avion vers Vienne.
Soleil et Shniztel dans un café de Vienne. |
Le trajet de l’Orient-Express en
deux heures de vol, et nous sommes de retour, un peu brutalement, en Europe. Vienne
baigne dans un autre monde. On y trouve un rythme de vie plus impersonnel, effréné,
et une sensibilité toute germanique. Urbanisme, bouffe, géographie, interactions
humaines, esthétique : L’Orient est définitivement derrière nous. Sauf pour
des considérations sartoriales, on passe du chaud au froid. Mais un froid
efficace, rationnel, quadrillé. Vienne est ordonnée au quart de poil, maître de
son histoire officielle. On fait les viennoiseries qui s'imposent. On marche
beaucoup - très zoli - on mange des pâtisseries, on boit du café, on visite des
châteaux-musées-palaces.
Café Viennois et musée Freud. |
Femme de pierre soutenant un vase, femme de chair accrochant un cadre. |
Au pays de Schwarzzie, la musique classique est reine;
même les trains sifflent des airs classiques quand ils quittent la gare. Sur
les places publiques, on ne nous vend pas des forfait de visite guidées, on
nous vend un concert de musique classique avec musiciens des orchestres
symphoniques locaux, chanteurs d'opéra et danseurs de ballet. On achète. Un programme tout ce qu'il
y a de plus traditionnel : Mozart, Haydn, Lanner, quelques lieder et, bien sûr,
l’incontournable pape de la valse autrichienne: Strauss. Nous constatons aussi que la population est
très diversifiée, multiculturelle. Par exemple, à Istanbul il n'y avait pas de
Noirs. Ici, c'est le mélange des genres. Il y a beaucoup de blonds, et François
commence à passer inaperçu.
Sculptures à Vienne: d'une main... |
...à l'autre. |
On mange des schnitzels, on
amorce quelque pas de valse, seuls dans notre chambre. On grimpe dans le
Prater, la grand roue qui nous offre une vue panoramique de la ville, où
l’architecture très XIXe siècle côtoie l’ultra-moderne et flyée, aux courbes et
angles impossibles. Mais notre coup de cœur, c’est la délirante bibliothèque de
Léopold, vaste et invitant au recueillement, comme une église, avec une lumière
magique qui la pénètre par de large vitraux, avec des dédales de "couloirs
secrets" qui s'annoncent derrière des pans de rayons de livres qui
s'ouvrent comme par magie. Tout ça sur 2 étages fabuleux, sillonnés d’échelles pour
atteindre tous ces vieux grimoires.... François est au paradis. Ève Marie est émue; de l'endroit, et de voir
la lumière qui habite les yeux de François.
Majestueuse bibliothèque nationale. |
Des milliers et des milliers de livres... |
Léopold Premier, siégeant au milieu de la bibliothèque qu'il a crée. |
Trois petits jours puis, munis de
notre passe Euro-rail, cap sur Budapest. Nous avions peu
d'attentes envers Budapest. Elle nous a étonnés. Et
conquis.
La ville est née de la fusion de
trois entités distinctes. Buda, dans les collines, Pest, de l'autre côté de la
rivière et sur la plaine, et Obuda.
D’un côté de la
rivière, perchés dans les collines, la citadelle (jamais
vraiment utilisée)
et le château, puis de l'autre côté, la vieille ville.
Buda et Pest, reliées par les ponts sur le Danube. |
Nous avons pris un plaisir fou à
déambuler dans les rues, apprivoiser le transport en commun, faire nos courses
(nous avions un appartement 3 1/2, complètement meublé Ikea pour 30$ la nuit.
Oui, Budapest, c’est pas cher.) On a même pu tester le système de santé
hongrois par le biais d'une clinique privée internationale abordable; service
impeccable, merci beaucoup.
Une tournée d'autobus Hop-on hop-off nous permet de nous
orienter, de découvrir les centres névralgiques de la cité. Dimanche matin, on brunche
au Café New York, qui se targue d'être l’un des plus beau du monde. Dans le
style rococo et l’ornementation lourde, on ne fait pas mieux. Il s’en dégage
un charme suranné, très fin-de-siècle. Le service est impeccable, le Maitre D
en smoking, les serveurs en vestes blanches immaculées. Même pour le petit
déjeuner, par ailleurs succulent et pas cher.
Café New York, triomphe rococo. |
P'tit déj au Café New York. |
Les gens sont amicaux, avenants. L’architecture
rappelle celle de Paris, en plus joyeux, avec des visages grimaçants sculptés
au fronton des portes. L’ancien et le moderne se mélangent de façon organique.
Dans le vieux quartier juif où nous habitons, les vieux immeubles craquants s’alignent
les uns après les autres, interrompus à l’occasion par quelques atroces constructions
de l’ère soviétique, en béton triste et massif. Le 15 mars, un jeudi, on nous avise que tout
sera fermé parce que c’est la commémoration de la révolution de 1848. Une des
nombreuses tentatives de la Hongrie de se débarrasser de l’empire autrichien. La
fête est sobre, digne, avec des gens qui défilent dans les rues avec des bannières
aux messages que nous ne comprenons pas, chacun arborant un petit drapeau/ruban
ou un brassard qui nous rappellent les coquelicots de chez nous. Les familles
font des pique-niques, il y a des spectacles en plein air et nous, étrangers à
tout cela, on se réfugie dans les bains publics.
Ahhhh.... les bains de
Budapest! Du côté de Buda, il y a une source d'eau chaude qui jaillit en divers
lieux de la montagne. Cette eau, par les milliers de litres par jour, alimente
les divers bains qui font la renommée de Budapest. Laissez faire Banff ou
Radium; les bains de Szechenyi, dans un énorme complexe installé dans un palais
jaune, sont sûrement les bains les plus chics d’Occident. À l'intérieur, une
vingtaine de bassins différents, chacun avec sa particularité : sa
température, composition chimique et…son odeur. Ce sont des bains naturels
après tout, et l'odeur est moins forte que l'ancienne odeur des bains de Banff,
à l'époque où c'était encore de l'eau sulfureuse qui les alimentaient. Puis
dehors, 3 grandes piscines avec des fontaines magnifiques qui vous envoient de
l'eau en jets revigorants sur la nuque et le dos. Sur le bord, de vieux
messieurs jouent aux échecs, le corps dans l'eau et le jeu dans les marches. Une
piscine est réservée à ceux qui veulent faire des longueurs et la troisième
contient un espace étrange, en boucle autour d'une place centrale, comme un
beignet, et qui envoie des jets qui propulsent les baigneurs en avant, dans le
beignet, dans le sens inverse d'une montre. Imaginez que vous marchez dans
l'eau, en rond, dans un genre de voie étroite où le courant, et les jets forts,
vous propulsent par en avant: vous ne marchez plus, vous courez - non, vous
volez à une vitesse vertigineuse. Du pur plaisir. Sous un soleil très chaud
pour mars. Si chaud que l'on peut sortir des piscines et prendre un verre sur
la terrasse du bord de l'eau. Puis s'y replonger. Bonheur.
Après quelques heures à passer d’un bassin à l’autre, tout
mous, on s’abandonne enfin aux mains des experts qui nous font un massage d'une
heure. Ok, on a eu un moment de panique lorsqu'on a vu le nom de la compagnie imprimé
sur le t-shirt des employés: Annus Massza'sz... On a fait confiance à l'univers
et notre dignité n’a pas été agressée. À la sortie, nos corps flottent
au-dessus du trottoir, et c’est complètement reposés des aléas du voyage qu’on
est sagement rentrés à chez nous, parce que le lendemain, le train nous amènera
dans une autre ville magique, Prague.
Les fabuleux bains de Budapest. |