Saturday, June 9, 2012


Après Izmir, retour à nos confortables babouches d’Istanbul. Ayant déjà fait le circuit touristique traditionnel (Hagia Sofia, Mosquée Bleue, etc.), on se laisse maintenant porter par le rythme de la ville. Au gré de nos promenades, d’un tram à l’autre, on découvre les coins sympathiques, les dédales de ruelles, les marchés d’épices… Près de l’hôtel, on gesticule pour se faire comprendre de notre gentille lavandière qui nous remet au propre – un luxe quand on est toujours en mouvement –  et on salue les marchands du coin, toujours prêts à nous offrir un thé et, qui sait, réussir à nous vendre une petite céramique ou un foulard. On se fraie un chemin dans l’incroyable foule qui envahit la foire du port pour effectuer une paresseuse croisière sur le Bosphore, on dîne sur une terrasse au troisième étage d’un resto sur le bord de l’eau, alors que le soleil cherche une chaleur qui n’arrive pas encore à s’épanouir. 

Foule sous le pont d'Istanbul

Les graffitis, c'est universel. On en voit partout.

Istanbul, ville sans fin.

Dans les restos près de notre hôtel, les beaux garçons dont le travail est d’attirer les touristes à leur restaurant  les interpellent dans une foule de langues. Hassim, 23 ans, avec qui on discute sur la terrasse presque déserte du restaurant, nous explique qu’il sait à l’apparence et au costume des gens quelle langue il doit utiliser. Et il se trompe rarement…Il prenait Eve Marie pour une Française et François, bien sûr, pour un Américain. Après quelques verres de vin local, on rentre à l’Hotellino. Notre dernière nuit.


Leitmotiv de notre voyage: on quitte Istanbul à regret. Beaucoup de regret. L'Hôtellino et Minet, nos marchands du coin. Les olives offertes en début de repas, notre lavandière et... fumer.... nous manqueront beaucoup. Même la neige, qui tombait à gros flocons sur les toits anciens.
Minet, proprio de l'Hotellino. Une femme vraiment lumineuse.

C'est au terme d'un interminable trajet de bus, qui nous fait découvrir la véritable étendue de cette ville et nous amène sur le côté asiatique de la métropole turque, que nous prenons l'avion vers Vienne.

Soleil et Shniztel dans un café de Vienne.
Le trajet de l’Orient-Express en deux heures de vol, et nous sommes de retour, un peu brutalement, en Europe. Vienne baigne dans un autre monde. On y trouve un rythme de vie plus impersonnel, effréné, et une sensibilité toute germanique. Urbanisme, bouffe, géographie, interactions humaines, esthétique : L’Orient est définitivement derrière nous. Sauf pour des considérations sartoriales, on passe du chaud au froid. Mais un froid efficace, rationnel, quadrillé. Vienne est ordonnée au quart de poil, maître de son histoire officielle. On fait les viennoiseries qui s'imposent. On marche beaucoup - très zoli - on mange des pâtisseries, on boit du café, on visite des châteaux-musées-palaces. 

Café Viennois et musée Freud.
Femme de pierre soutenant un vase, femme de chair accrochant un cadre.



Au pays de Schwarzzie, la musique classique est reine; même les trains sifflent des airs classiques quand ils quittent la gare. Sur les places publiques, on ne nous vend pas des forfait de visite guidées, on nous vend un concert de musique classique avec musiciens des orchestres symphoniques locaux, chanteurs d'opéra et danseurs de  ballet. On achète. Un programme tout ce qu'il y a de plus traditionnel : Mozart, Haydn, Lanner, quelques lieder et, bien sûr, l’incontournable pape de la valse autrichienne: Strauss.  Nous constatons aussi que la population est très diversifiée, multiculturelle. Par exemple, à Istanbul il n'y avait pas de Noirs. Ici, c'est le mélange des genres. Il y a beaucoup de blonds, et François commence à passer inaperçu.
Sculptures à Vienne: d'une main...
...à l'autre.

On mange des schnitzels, on amorce quelque pas de valse, seuls dans notre chambre. On grimpe dans le Prater, la grand roue qui nous offre une vue panoramique de la ville, où l’architecture très XIXe siècle côtoie l’ultra-moderne et flyée, aux courbes et angles impossibles. Mais notre coup de cœur, c’est la délirante bibliothèque de Léopold, vaste et invitant au recueillement, comme une église, avec une lumière magique qui la pénètre par de large vitraux, avec des dédales de "couloirs secrets" qui s'annoncent derrière des pans de rayons de livres qui s'ouvrent comme par magie. Tout ça sur 2 étages fabuleux, sillonnés d’échelles pour atteindre tous ces vieux grimoires.... François est au paradis.  Ève Marie est émue; de l'endroit, et de voir la lumière qui habite les yeux de François.
Majestueuse bibliothèque nationale.
Des milliers et des milliers de livres...
Léopold Premier, siégeant au milieu de la bibliothèque qu'il a crée.



Trois petits jours puis, munis de notre passe Euro-rail, cap sur Budapest. Nous avions peu
d'attentes envers Budapest. Elle nous a étonnés. Et conquis.

La ville est née de la fusion de trois entités distinctes. Buda, dans les collines, Pest, de l'autre côté de la rivière et sur la plaine, et Obuda.
       D’un côté de la rivière, perchés dans les collines, la citadelle (jamais
       vraiment utilisée) et le château, puis de l'autre côté, la vieille ville.
Buda et Pest, reliées par les ponts sur le Danube.

Nous avons pris un plaisir fou à déambuler dans les rues, apprivoiser le transport en commun, faire nos courses (nous avions un appartement 3 1/2, complètement meublé Ikea pour 30$ la nuit. Oui, Budapest, c’est pas cher.) On a même pu tester le système de santé hongrois par le biais d'une clinique privée internationale abordable; service impeccable, merci beaucoup.

Une tournée d'autobus Hop-on hop-off nous permet de nous orienter, de découvrir les centres névralgiques de la cité. Dimanche matin, on brunche au Café New York, qui se targue d'être l’un des plus beau du monde. Dans le style rococo et l’ornementation lourde, on ne fait pas mieux. Il s’en dégage un charme suranné, très fin-de-siècle. Le service est impeccable, le Maitre D en smoking, les serveurs en vestes blanches immaculées. Même pour le petit déjeuner, par ailleurs succulent et pas cher.
Café New York, triomphe rococo.

P'tit déj au Café New York.

 Les gens sont amicaux, avenants. L’architecture rappelle celle de Paris, en plus joyeux, avec des visages grimaçants sculptés au fronton des portes. L’ancien et le moderne se mélangent de façon organique. Dans le vieux quartier juif où nous habitons, les vieux immeubles craquants s’alignent les uns après les autres, interrompus à l’occasion par quelques atroces constructions de l’ère soviétique, en béton triste et massif.  Le 15 mars, un jeudi, on nous avise que tout sera fermé parce que c’est la commémoration de la révolution de 1848. Une des nombreuses tentatives de la Hongrie de se débarrasser de l’empire autrichien. La fête est sobre, digne, avec des gens qui défilent dans les rues avec des bannières aux messages que nous ne comprenons pas, chacun arborant un petit drapeau/ruban ou un brassard qui nous rappellent les coquelicots de chez nous. Les familles font des pique-niques, il y a des spectacles en plein air et nous, étrangers à tout cela, on se réfugie dans les bains publics. 

Ahhhh.... les bains de Budapest! Du côté de Buda, il y a une source d'eau chaude qui jaillit en divers lieux de la montagne. Cette eau, par les milliers de litres par jour, alimente les divers bains qui font la renommée de Budapest. Laissez faire Banff ou Radium; les bains de Szechenyi, dans un énorme complexe installé dans un palais jaune, sont sûrement les bains les plus chics d’Occident. À l'intérieur, une vingtaine de bassins différents, chacun avec sa particularité : sa température, composition chimique et…son odeur. Ce sont des bains naturels après tout, et l'odeur est moins forte que l'ancienne odeur des bains de Banff, à l'époque où c'était encore de l'eau sulfureuse qui les alimentaient. Puis dehors, 3 grandes piscines avec des fontaines magnifiques qui vous envoient de l'eau en jets revigorants sur la nuque et le dos. Sur le bord, de vieux messieurs jouent aux échecs, le corps dans l'eau et le jeu dans les marches. Une piscine est réservée à ceux qui veulent faire des longueurs et la troisième contient un espace étrange, en boucle autour d'une place centrale, comme un beignet, et qui envoie des jets qui propulsent les baigneurs en avant, dans le beignet, dans le sens inverse d'une montre. Imaginez que vous marchez dans l'eau, en rond, dans un genre de voie étroite où le courant, et les jets forts, vous propulsent par en avant: vous ne marchez plus, vous courez - non, vous volez à une vitesse vertigineuse. Du pur plaisir. Sous un soleil très chaud pour mars. Si chaud que l'on peut sortir des piscines et prendre un verre sur la terrasse du bord de l'eau. Puis s'y replonger. Bonheur.
Après quelques heures à passer d’un bassin à l’autre, tout mous, on s’abandonne enfin aux mains des experts qui nous font un massage d'une heure. Ok, on a eu un moment de panique lorsqu'on a vu le nom de la compagnie imprimé sur le t-shirt des employés: Annus Massza'sz... On a fait confiance à l'univers et notre dignité n’a pas été agressée. À la sortie, nos corps flottent au-dessus du trottoir, et c’est complètement reposés des aléas du voyage qu’on est sagement rentrés à chez nous, parce que le lendemain, le train nous amènera dans une autre ville magique, Prague.

Les fabuleux bains de Budapest.